La controverse agite la gauche, les Verts et la famille socialiste française. Certains opposants se demandent si cette taxe carbone n'est pas le ferment d'une nouvelle pensée unique. Non pas qu'il faille remettre en cause la nécessité de la lutte contre les gaz à effet de serre et les changements climatiques.
Au contraire. Mais, à défaut de puissants correctifs dont les mécanismes sont aléatoires pour aider les revenus modestes et moyens (comme le souhaite Michel Rocard), cette taxe pénaliserait les milieux populaires, et l'injustice sociale, que craignent les socialistes, serait criante. De quoi pénaliser surtout les usagers captifs de leur véhicule, soit parce qu'ils habitent loin de leur lieu de travail, soit parce qu'il n'y a pas toujours de transports en commun, notamment en zone rurale.
Seraient pénalisés également les habitants de logements mal isolés et n'ayant pas les moyens d'investir dans de nouveaux chauffages (malgré les aides publiques, pompes à chaleur, panneaux solaires et autres chauffages non polluants se vendent à prix prohibitifs...). Mais cette réticence sociale, qualifiée de "démagogique" par les Verts, n'est pas le seul argument contre la taxe carbone : il y a aussi le constat d'une sorte de vice de forme intellectuel.
La justification écologique de la taxe, c'est la nécessité de pénaliser les usagers et consommateurs pour les inciter à cesser de polluer ! On veut, dit-on, "changer les comportements". Certains responsables, de droite comme de gauche, répètent qu'on peut toujours se déplacer à vélo ou à pied au lieu de prendre sa voiture ! Le principe, admis comme une évidence, c'est que l'usage de la voiture pour se rendre au travail, faire des courses, voyager, ou que se chauffer, au gaz par exemple, etc., sont constitutifs d'un "délit " de pollution... qu'il faut à tout prix pénaliser financièrement. Cette pénalisation financière est censée culpabiliser, dissuader et modifier le comportement du consommateur... Ne pas admettre cette logique était, jusqu'à ces derniers jours, médiatiquement "inaudible".
Mais réfléchissons un instant : "changer les comportements", donc orienter les consommateurs vers un autre choix de consommation, suppose une alternative. L'exemple de l'interdiction de vente des lampes à incandescence dans l'Union européenne est intéressant : des ampoules non polluantes sont désormais en vente. Leur prix est plus élevé, certes, mais l'alternative existe. Quel est le choix alternatif en matière de carburants polluants ? Sauf à ressortir les diligences, refuser de se rendre au travail, renoncer à faire ses courses au supermarché ou considérer les déplacements comme illégitimes (ce qui serait une régression de civilisation), le citoyen, éloigné des transports en commun, peut-il choisir entre véhicules à carburants fossiles et véhicules propres (électriques, piles à combustibles, hydrogène, etc.) ?
La réponse est "non". Est-ce la faute des usagers si ce genre de voiture n'existe aujourd'hui qu'à l'état de prototype ou de projet, dans les cartons des laboratoires ? Qui n'a pas investi massivement dans ce secteur de pointe ? Qui est à la traîne en matière de voiture électrique ? Réponse : pas les consommateurs, mais les constructeurs, l'industrie automobile... Le manque d'investissement dans l'alternative énergétique n'est-il pas, en partie, à l'origine de la crise mondiale de l'automobile ?
Les consommateurs et usagers n'ont pas le moyen d'exercer de choix : ils sont même plutôt victimes de la situation. La taxe carbone serait une sorte de double peine appliquée aux consommateurs, derniers maillons, en bout de chaîne du processus industriel, alors que c'est ce processus-là qui est en cause ! Aberrant, non ?
Ne serait-il pas écologiquement plus logique et plus urgent de réorienter le processus industriel afin de produire des alternatives non polluantes en matière automobile et de logements plutôt que de s'acharner sur des usagers captifs de modes de locomotion et de chauffage polluants ?
voir aussi :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire