Vivace, tenace, coriace, pugnace… et en même temps
fossilisé, momifié, nécrosé, embaumé… l’islam reste l’islam, obstinément fidèle
à ses origines, à ses textes fondateurs, à ses options historiques.
Entre les
islams – soufi, mystique, libéral, ouvert, modéré, éclairé – et l’islam sunnite
orthodoxe officiel, pur et dur, radical et intransigeant, c’est ce dernier qui
l’a toujours emporté, s’imposant par la force, la menace, la coercition, la
violence… envers et contre tout, envers et contre tous.
Les musulmans modérés sont légion, mais l’islam modéré
n’existe pas. C’est un vœu pieux, un rêve, une utopie relevant du « wishful
thinking » (NDLR: vœu pieux). Il représente une projection de ce qu’on voudrait
qu’il soit – et qu’il aurait pu être – si toute tentative de réforme n’avait
pas été systématiquement bloquée à partir du 9° siècle, si tout effort de
réflexion critique (Avicenne, Averroès, Farabi, Al-Kindi…) n’avait pas été
étouffée dans l’œuf.
Le mythe d’une Andalousie ouverte et libérale est à revoir à
partir de la réalité historique. Les magnifiques propos de certains
intellectuels musulmans contemporains, s’efforçant de promouvoir un « islam des
lumières », sont fort louables, mais elles n’expriment les positions que d’une
élite infime qui ne fait pas le poids face à l’immense masse des musulmans
dévots accrochés à leurs certitudes. Elle ne parvient pas à s’imposer face à un
Azhar pétrifié dans son dogmatisme et son intransigeance.
C’est aujourd’hui « l’heure de vérité » pour l’islam. Deux
scénarios sont envisageables : ou bien un terrible affrontement à la Huntington
avec l’occident et le reste du monde… ou bien un effondrement et une implosion,
tels qu’annoncés par Hamed Abdel-Samad. Si tout dialogue avec l’islam a tourné
court jusqu’à présent, c’est qu’un tel dialogue a soigneusement évité d’aborder
les vraies questions ou s’est systématiquement heurté à un mur.
Entre l’islam mekkois, considéré comme spirituel et
mystique, ouvert et tolérant… et l’islam médinois radical fanatique et
conquérant, le choix a été fait il y a plus de mille ans. Et ce choix semble
malheureusement irréversible.
Lorsque l’intellectuel soudanais, Cheikh Mahmoud
Taha, a suggéré il y a plus de vingt ans un retour à l’islam mekkois des
origines, il a été pendu sur la place publique en plein centre de Khartoum.
J’ai l’impression que les jeux sont faits – hélas ! – et que
l’islam est dans l’impasse la plus totale. Son apparente vitalité aujourd’hui
pourrait bien ne représenter que les derniers soubresauts d’un moribond.
© Henri Boulad, sj, Le Caire, 23 février 2015 pour
Dreuz.info.
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